L’Apei de Lens et environs et l’Unapp (Union Nationale des Acteurs du Parrainage de Proximité) se sont associées pour mettre en œuvre une action de parrainage auprès d’adultes présentant un handicap mental accompagnés par les établissements et services de l’Apei. Après neuf années, elles ont souhaité réaliser un bilan de cette action. Financée par la CNSA au titre du budget de la section 5 « Soutien à des actions innovantes » ainsi que par la Fondation d’entreprise MAAF Initiatives et handicap, cette étude, menée par le CREAI Hauts-de France, a eu pour vocation de mieux comprendre ce qui se jouait dans la relation de parrainage, de cerner les enjeux de cette action, ses points forts et ses limites, ses perspectives, dans le but de la rendre modélisable et reproductible à l’échelle du territoire national.
Le recueil de données s’est appuyé sur une méthodologie d’ordre qualitative croisant lecture et analyse de documents, observations participantes et une trentaine d’entretiens semi-directifs menés auprès de parrains, marraines et filleul(e)s engagés dans une relation de parrainage, de porteurs du projet, d’administrateurs de l’Apei, de personnes membres de la commission parrainage mais aussi du maire et des services municipaux de la ville de Grenay (Pas-de-Calais), territoire d’implantation de l’action.
L’ancienneté, la réciprocité et la symétrie de la relation entre parrains / marraines et filleul(e)s constituent les principales caractéristiques du lien de parrainage. Ce dernier n’apparait pas dans une logique asymétrique ou descendante où le parrain ou la marraine donnerait de son temps « pour » une personne en situation de handicap, ce qui inscrirait la relation dans le registre de la charité. Ce dont il est question, c’est de « faire parrainage », dans une logique d’estime, de respect et de confiance réciproques. Par ailleurs, la relation de parrainage permet aux filleul(e)s qui vivent en établissement médicosocial de s’affranchir en partie de l’institution : en échappant à ses murs, à ses rythmes, en diversifiant les cercles de sociabilité et en permettant de se construire un espace privé et, ainsi, de reconquérir une part de leur intimité. Le parrainage participe ainsi d’un processus d’individuation : il offre aux personnes accompagnées un espace supplémentaire à l’institution, au sein duquel il est possible de créer une relation d’ordre privé, d’exister en tant qu’individu singulier (et non comme « résident ») et d’être reconnu pour ses particularités, ses aspirations et ses qualités, et non à l’aune exclusive de ses déficiences.
Si l’un des objectifs de cette étude était de modéliser l’action de parrainage afin de la rendre reproductible, il s’avère que vouloir en établir une modélisation formelle, rigide, serait un contre-sens. Le parrainage s’inscrit d’abord dans une configuration sociale particulière. Nous avons donc préféré dégager les grands principes qui l’animent et peuvent se décliner de façons différenciées. Le parrainage ne peut être réduit à un dispositif : il prend sens à travers la création d’un lien électif, réciproque et non exclusif, s’inscrit dans un contexte propice à la création de liens diversifiés et durables, et vise un fonctionnement souple, dynamique et d’ordre démocratique. D’une certaine manière, le parrainage s’inscrit dans une nouvelle logique d’action et amène à réfléchir à d’autres formes de lien, de vivre en société.
Auteurs
Muriel DELPORTE
Conseillère technique
Agathe DENEF
Conseillère technique